Alain Platel continue de saper nos préjugés. Ah, combien en avons-nous sur l'Afrique. Avec Coup Fatal, il signe la scénographie d'une oeuvre originale pour ses fidèles spectateurs : un concert de musique mais pas que. A voir absolument, c'est le premier grand succès du Festival d'Avignon.
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| copyright Christophe Raynaud de Lage |
Pour nous parler d'Afrique, finalement, la forme d'un concert avec des musiciens africains de Kinshasa, Congo, ne nous surprend guère car nous reconnaissons aux Africains "qu'ils ont le rythme dans la peau". Tamtam, balafon, percussions en matériaux naturels, ils sont nés au rythme de ces instruments ancestraux, n'est-ce-pas ? Quoi d'étonnant ? Oui, mais il y'a aussi des guitares électrique et acoustique, et des likembes, je ne connaissais pas avant. Aussi quand vous apprenez que ce concert est né de la rencontre entre un ensemble de 13 musiciens africains et un contre-ténor congolais, nous sommes interpellés. Un Noir qui chante du baroque ? En plus, un contre-ténor (voix la plus aiguë chez les hommes) ? Euh un Noir, c'est l'image de la mâle virilité, qui chante avec une voix de petit ange blond des partitions du XVIIème siècle européen ? Bon, là, on commence à se coltiner nos préjugés et à penser que le spectacle sera peut-être du plus grand effet comique. Vous n'avez pas tort, vous allez rire. Ils vont vous faire rire, des rires de bonheur, mais détrompez-vous ils seront eux-mêmes et nos préjugés ne les intéressent pas. Cette fois-ci, c'est eux qui vont vous intéresser. Finalement, il se pourrait qu'à la fin du spectacle, après avoir gigoté maladroitement sur votre siège, à leur rythme, vous ayez envie d'être à leur place, plutôt qu'à la vôtre. D'ailleurs, moi-même, plutôt que de vous recommander des spectacles de danse en région parisienne, je vais organiser des trips musicaux à Kinshasa.
Extrait-vidéo de répétition :
Quand Alain Platel a été invité par Fabrizzio Cassol, Serge Kakudji, le contre-ténor, et Paul Kerstens ( ces deux-là sont à l'origine de ce spectacle incroyable) à Kinshasa pour prendre connaissance du travail accompli, il n'en est pas revenu ! Et F. Cassol, directeur musical de Coup Fatal, continue de s'étonner du mystère qui entoure cette rencontre transcendante. Alain Platel, comme il sait le faire, comme Pina Bausch savait le faire aussi, il a accouché les musiciens d'une oeuvre unique. Je vous recommande vivement de vivre au moins une représentation. J'ai eu la chance de la vivre deux soirs d'affilée, j'y retournerai à Cergy-Pontoise en mai 2015 à Paris en décembre 2015. Le coup me fut fatal, j'aimais le baroque, je l'aime d'autant plus que j'aime maintenant les musiciens africains.
Dans Coup Fatal, vous reconnaîtrez ce que vous aimez déjà chez Alain Platel, même si ce spectacle me semble unique en son genre à ce jour. La musique, le baroque en particulier, est extrêmement marquante dans les spectacles de Platel. La beauté sidérante, la pulsion de vie… tout est encore là pour notre plus grande joie. Vous pouvez y aller seul(e), en couple, en famille (dès 10 ans), entre amis, ce sera toujours cela de plus à partager d'intense.
Et la danse, dans tout cela ? Vous serez surpris. Cette surprise est un cadeau bien emballé que je vous fais en ne vous donnant aucun indice. J'ai tellement peur que vous ne vous mépreniez. Les préjugés ont la vie dure, j'ai tellement envie de vous décider à y aller.
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| copyright Christophe Raynaud de Lage |
Coup Fatal, déjà donné au printemps à l'étranger, est le premier grand succès du Festival d'Avignon 2014. Standing ovation tous les soirs. Les réseaux s'enflamment. Les critiques pleuvent. Allez faire un tour sur tweeter pour découvrir quelques jolies photos amateurs (cf. ma liste Festival Avignon). Mais cela ne remplacera pas l'expérience unique qui va vous transporter dans une nouvelle vie. Comme l'a répété maintes fois Alain Platel à ses proches : il y'a un avant et un après Coup Fatal, pour lui, pour les artistes et pour nous.
Catherine Zavodska, Festival d'Avignon 9 juillet 2014
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