Arkadi Zaides signe un spectacle politique d'une grande force au Festival d'Avignon 2014.
Né biélorusse, juif, il émigre en Israël et vit à Tel-Aviv, à 20 km des territoires occupés. Avec Archive, il dénonce la violence infligée par les colons juifs aux palestiniens en Cisjordanie. Quand on sait qu'une grande partie des colons sont issus comme lui de l'ex-URSS, qui les a poussé avec une certaine forme de violence à émigrer en Terre Promise, on commence à comprendre que la question de l'identité est intimement liée à celle de la violence. Soyons claire, le sujet est lourd et personnellement je suis devenue encore plus pessimiste en sortant que je ne l'étais en arrivant. Cela ne retire en rien le fait que cette pièce est remarquable dans son engagement.
copyright : Laurent Philippe pour Le Monde
Le procédé est simple : Arkadi Zaides mime les colons israéliens, filmés à leur insu par des Palestiniens. Arkadi Zaides s'est plongé dans les archives récentes d'une association israélienne de défense des droits de l'homme. Arkadi a sélectionné les images et en a ordonné la séquence pour soutenir son propos. La pièce Archive est percutante. Par le mime, Arkadi archive en son corps la violence qui habite les colons, les adultes comme les enfants. La violence vécue côté palestinien, nous la vivons, comme spectateur, derrière la caméra. Le point de vue très original fait progresser notre appréhension de la violence inhérente à cette zone de conflits. La durée de la pièce d'1h15 suffit à laisser une marque indélébile. Oui, cette pièce m'a donné à voir quelque chose qui m'échappait jusque lors.
Je suis interpellée par le geste artistique d'Arkadi Zaides. Il veut dénoncer la violence en en prenant sa part. Je ne peux m'empêcher d'y voir la recherche d'une catharsis, mais sachez qu'il s'en défend quand je lui ai posé la question. Aussi, s'impose à moi avec force l'image du Christ crucifié pour nos péchés. Je me sens très admirative de ce chorégraphe, plus jeune que moi, d'oser vouloir saisir à bras le corps une violence politique qui détruit les individus. Cette pièce me rend triste car elle révèle ce que nous cherchons à oblitérer. J'ai toujours connu mon père militer pour les droits de l'homme, j'ai fui avec ma génération nos responsabilités politiques, et voilà qu'un spectacle, une élection, un fait divers, viennent me chercher, me réveiller. Olivier Py serait content de le savoir. Merci mille fois à lui d'avoir programmé une pièce politique comme Archive.
Catherine Zavodska, 10 juillet 2014, Festival d'Avignon 2014
danseaujourdhui.fr, le site de référence des spectacles de danse
